Selon la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, le sirop d’érable est un produit propre à l’Amérique du Nord et, plus particulièrement, au Québec. C’est un produit naturel qui ne contient ni colorant ni additifs et qui est fait à partir de la sève de l’érable à sucre (Acer saccharum). L’eau d’érable (sève) est composée d’eau à plus de 97 %, de sucrose, fructose et de glucose. On y retrouve également des acides aminés, des protéines, des acides organiques et des vitamines en quantité variable. Pour en savoir davantage sur cette découverte millénaire faite par les Premières Nations, le magazine Premières Nations s’est rendu au Mont-Saint-Hilaire, près de Montréal, pour y rencontrer un passionné et un connaisseur, M. André Michel, fondateur de la Maison Amérindienne plantée au beau milieu d’une érablière.

« Bien avant l’arrivée des premiers colons, les Amérindiens avaient découvert l’utilisation de la sève de l’érable à sucre. Ce sont eux qui ont initié les nouveaux arrivants à la récolte et à la transformation de ce précieux liquide sucré et ce, dès les débuts de la colonisation. Depuis lors, la transformation de la sève à sucre s’inscrit dans les traditions, le folklore et l’histoire du Québec » raconte M. Michel.

En fait, c’est une légende qui en raconte la découverte. Un chef iroquois, du nom de Woksis, avait planté sa hachette dans le tronc d’un érable après sa journée de chasse. Le lendemain matin, quand il la retira, il ne remarqua pas le liquide incolore qui s’échappait de l’entaille sur l’arbre. Au pied de l’arbre se trouvait un récipient dans lequel l’eau s’était accumulée. La femme de Woksis vit ce récipient plein d’eau et l’utilisa pour préparer le ragoût. Lorsqu’ils prirent leur repas, Worksis et sa femme trouvèrent au ragoût un goût curieusement sucré. C’est de cette façon qu’ils auraient découvert le sirop d’érable.

Une autre légende fait mention que la récolte de la sève de l’érable est un dur labeur. « Nokomis aurait été la première à percer des trous dans le tronc des érables et à recueillir la sève. Màanabush, constatant que cette sève était un sirop prêt à manger, alla trouver sa grand-mère et lui dit : « Grand’mère, il n’est pas bon que les arbres produisent du sucre aussi facilement. Si les hommes peuvent ainsi sans effort recueillir du sucre, ils ne tarderont pas à devenir paresseux. Il faut tâcher de les faire travailler. Avant qu’ils puissent déguster ce sirop exquis, il serait bon que les hommes soient obligés de fendre du bois et de passer des nuits à surveiller la cuisson du sirop. » Il n’en dit pas plus long, mais craignant que Nokomis ne fût indifférente à ses propos et qu’elle n’omit de prendre des mesures pour empêcher les hommes de devenir paresseux, il grimpa au haut d’un érable avec un vaisseau rempli d’eau et en versa le contenu à l’intérieur de l’arbre dissolvant ainsi le sucre qui se trouvait dans l’érable. Depuis ce temps, au lieu d’un sirop épais, la sève contient 1 % à 2 % de sucre, et, pour obtenir du sucre, il faut dorénavant travailler fort.

Mais pour les Européens, une question reste néanmoins posée depuis longtemps : Comment a commencé l’exploitation du sirop d’érable? On y répond le plus souvent que les Amérindiens en ont les premiers connu le procédé et qu’ils l’ont appris aux colons européens. Le témoignage de Lafitau porte à le penser et l’historiographie américaine a généralement adopté ce point de vue même si d’autres attribuent la découverte au docteur Michel Sarrazin, arrivé au pays comme chirurgien militaire en 1685.

Le médecin du roi mentionne bien avoir vu des « platanes » chez les Iroquois vers ces années-là, mais on n’a pas la preuve qu’il en fut l’inventeur. Si son nom est resté attaché à l’érable, c’est à cause d’une communication sur cet arbre envoyée par lui à l’Académie Royale des Sciences de Paris et lue à la séance du 19 aout 1730. On y lit que « la sève, y monte depuis les premiers jours d’avril jusqu’à la moitié de mai; Qu’il faut que, dans le temps qu’on la tire, le pied de l’arbre soit couvert de neige, et il faudrait apporter, s’il n’y en avait pas; iI faut qu’ensuite cette neige soit fondue par le soleil et non par un air doux». Encore une remarque curieuse de monsieur Sarrasin, c’est que « la sève de tel érable, qui ne sera point bonne à faire du sucre, le deviendra une demi-heure ou tout au plus une heure avant que la neige, dont on aura couvert le pied de l’arbre, aura commencé à fondre. »

Cette communication démontre l’ignorance du rapporteur. Les observations faites sont superficielles et naïves. Elles ne suffiraient pas à la gloire du savant canadien, qui ne semble avoir donné aucune description de l’industrie sucrière. Il ne peut être le promoteur de l’exploitation de l’eau d’érable, puisque lorsqu’il est arrivé au pays déjà, les Amérindiens en étaient les grands maîtres en la matière.

Un plaisir pour les Amérindiens

La récolte du sucre d’érable était pour les Premières Nations une activité importante. Elle était la nourriture préférée des Abénakis qui peuplaient la région; mais pour eux et leurs voisins Iroquois, c’était une boisson rafraîchissante, lorsque mélangée à l’eau, autant qu’un assaisonnement qu’on pouvait ajouter aux médicaments des enfants pour les rendre moins désagréables ou aux plats les plus divers (c’était un peu l’équivalent de notre sel).

Le sucre d’érable était employé dans les repas de fête ou de cérémonie où chacun était censé manger tout ce qui se trouvait devant lui. On s’en servait pour relever les fruits sauvages, les légumes, les céréales et même le poisson. Bien que sa récolte se voulait une période de travail, c’était aussi un moment de fête pour lequel certains wigwams spéciaux étaient laissés en place d’une année à l’autre, une époque de retrouvailles et de rassemblements sociaux et rituels où s’échangeaient notamment les dernières nouvelles de la tribu.

Les érables étaient incisés au début du printemps, tout de suite après le retour des familles des chasses hivernales. Des villages entiers s’installaient au plus profond des bois et chaque famille s’occupait d’un certain nombre d’arbres. Une incision était pratiquée dans chaque tronc à environ un mètre du sol, puis une gouttière en thuya y était enfoncée. La sève s’écoulait lentement dans les récipients.

La famille algonquienne possédait une technique astucieuse pour en tirer le meilleur parti, adaptant un procédé qu’ils utilisaient déjà pour chauffer l’eau sans avoir à placer le contenant sur le feu. Ainsi, après avoir fait rougir des pierres dans le feu, ils les plongeaient dans le liquide. Ce coup de chaleur subit provoquait l’évaporation de l’eau, la sève s’épaississait, un sirop très foncé en résultait. De leur côté, les nations iroquoiennes posaient leur pots en terre directement sur le feu ce qui favorisait une évaporation rapide.

Dans chaque contenant, le précieux liquide mijotait. On le remuait souvent. Tout en touillant l’eau d’érable, le sucrier amérindien en surveillait l’évolution; si la sève commençait à adhérer à la spatule de bois, c’est que le sirop était prêt. D’autres utilisaient une spatule de bois, percée d’un trou; lorsqu’en l’extrayant du liquide et en soufflant à travers le trou un filet de bulles se formait c’est que le sirop était prêt à être filtré à travers un tamis en fibre de tilleul. Si l’on désirait obtenir de la tire, la cuisson se prolongeait. On vérifiait alors que la tire était prête en déposant sur la neige une petite quantité de liquide, si le liquide figeait sur la neige c’est qu’elle était prête.

D’autres sucriers préféraient opérer à froid. Le procédé consistait alors à laisser geler la sève pendant la nuit, puis à retirer la glace qui s’était formée. Nuit après nuit, l’opération se répétait jusqu’au résultat final : un sirop transparent.

Si le processus se continuait jusqu’à l’obtention du sucre, qui se transportait plus facilement, on le tassait dans des moules pour confectionner de petits gâteaux. La plus grande partie était transférée dans des récipients de conservation en écorce de bouleau. Ce n’est que lorsque chaque famille avait recueilli sa ration annuelle de sucre d’érable que le groupe s’en revenait au village permanent où une portion de la récolte était immédiatement consommée au cours d’un festin. Le reste de la production servait à des rituels et était utilisé tout au long de l’année.

Le temps des sucres était une période de travail et de divertissements. La danse, au moment de l’entaillage, avait le pouvoir, croyait-on, de favoriser les journées chaudes et d’augmenter la coulée des érables!

La Maison amérindienne

Les Abénakis l’appelaient déjà Wigwomadensis, la colline en forme de wigwam. Avant l’arrivée des colons européens, les Amérindiens fréquentaient les sommets du Mont-Saint-Hilaire. C’est au flanc de cette montagne, reconnue comme réserve mondiale de la biosphère par l’UNESCO que les visiteurs peuvent découvrir la première maison des cultures amérindiennes « hors territoire » dans l’unique érablière en milieu urbain au pays.

Au son du tambour et des chants traditionnels, le public peut y apprécier le savoir-faire des Amérindiens, participer, en saison, à la cueillette et à la transformation de l’eau d’érable selon les traditions millénaires, goûter une cuisine amérindienne renouvelée, humer les parfums du sous-bois d’une forêt ancestrale.

La Maison amérindienne propose une découverte de la tradition millénaire et des expositions d’œuvres d’artistes Autochtones contemporains. À l’intérieur de l’édifice qui rappelle la maison longue des Iroquois, vous visiterez l’exposition permanente « De l’eau…à la bouche » sur les traditions amérindiennes de l’érable après avoir goûté à un repas à saveur amérindienne, aussi à base d’érable.

Le 22 avril 2008 – Jour de la terre- la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a désigné La Maison amérindienne et son érablière comme le lieu de référence national des produits de l’érable pour l’origine de l’acériculture. Une plaque bilingue dans le stationnement en informe les visiteurs.

Ouverte au tournant du millénaire par la Fondation Ushket-André Michel, La Maison amérindienne est en priorité un lieu d’échanges, de partage et de rapprochement des peuples à travers des activités. C’est une corporation sans but lucratif formée de non-autochtones qui s’est donné pour mission d’aider à une meilleure connaissance des autochtones. L’originalité de ce projet est que le jour de l’ouverture officielle le 25 mai 2000, les clefs ont été remises par la fondation, à la corporation de La Maison amérindienne, une autre association sans but lucratif formée exclusivement d’autochtones de diverses nations.

Les initiateurs de la fondation se sont inspirés du travail et de la démarche sociale du peintre-ethnographe et sculpteur André Michel, reconnu à travers le monde pour son oeuvre artistique magistrale, ses réalisations muséologiques et son implication depuis plusieurs décennies auprès des communautés amérindiennes des trois Amériques. Avec ses idées novatrices et sa touche créatrice, l’artiste a su donner une âme à ce lieu magique où deux mondes se côtoient en harmonie. Ainsi est née La Maison amérindienne à Mont-Saint-Hilaire, devenant la seule institution multi-nations située « hors réserve » au Canada.

Site Web d'André Michel
http://andremichel.ca