À l’origine, les copeaux de bois avaient un urgent besoin d’être mis en valeur. Ils ne trouvaient plus preneurs dans le marché de l’industrie du bois alors que sa production se poursuivait à titre de produit dérivé. Comme il s’agit d’un produit résiduel qui arrive des scieries (on ne coupe pas des arbres pour faire des copeaux), il fallait trouver une façon de l’utiliser et de le rentabiliser. Après des recherches, les artisans du secteur forestier ont vu que le bio-charbon avait un certain potentiel, et c’est cette transformation qui se fait aujourd’hui dans l’usine située dans le parc industriel de Mashteuiatsh.
Selon André Benoît, vice-président développement chez Biochar Boréalis, pour arriver au biocharbon, c’est tout un processus qu’il est nécessaire de mettre en application. « Tout d’abord, il arrive avec 50% d’humidité et il faut en réduire le volume et l’amener à 10% d’humidité. Comme il est travaillé à la chaleur, s’il avait trop d’humidité on ne ferait que de la vapeur. Donc, première étape, on conditionne le copeau afin de rendre utile la fibre dont il est composé. »
Les études préalablement complétées ont porté sur toutes les essences de la forêt boréale afin de déterminer quelles sont celles qui sont les plus susceptibles de bien répondre à la transformation (feuillus et résineux). Cela aura permis d’établir une charte qui permet d’appliquer le bon procédé à une essence en particulier. « En fait, on devrait dire DES biochars, puisque les traitements sont différents d’une essence à l’autre » précise André Benoît.
Deuxième étape, le procédé de pyrolyse. C’est un procédé de transformation à très haute température dans un environnement où il n’y a pas d’oxygène. Tout fonctionne à l’électricité sans aucune contribution d’élément chimique, ce qui fait qu’il s’agit bien d’un « bio-produit ». Dans l’usine de Mashteuiatsh, il y a un pyrolyseur pour la petite production afin de mener des expériences pour de petites quantités et faire des tests en laboratoires, par exemple, et un plus grand pyrolyseur pour la production en quantité plus importante.
Après cette deuxième étape, il sort trois choses, dont du solide, celui qu’on appelle le biochar. S’il est regardé au microscope, le biochar est plein d’alvéoles qui captent les nutriments qui sont dans le sol afin de les libérer au bénéfice de la plante. Comme on peut le constater, le biochar sert notamment à aider la croissance des plantes (arbres, légumes, etc.). Sans être un engrais, il s’agit d’un support pour travailler au niveau du sol, un principe de l’agriculture biologique.
Le biocharbon peut être utilisé dans le secteur agricole, mais aussi comme composante pour filtrer. Il peut également avoir des applications dans l’alimentation animale, dans l’élimination des odeurs. Il s’agit donc d’un produit très polyvalent.
Un deuxième produit de la production est la bio-huile. Une huile très dense qui peut servir en biocarburant en petit volume, dans la pharmaceutique et dans l’alimentaire. Et s’il est travaillé encore davantage, on obtient un vinaigre de bois, un bio-cidre, sans aucun produit chimique qui a des bienfaits sur la nature en ne laissant aucun résidu dans le sol.
Donc, après trois ou quatre transformations, on réalise que le produit de base devient une valeur ajoutée non négligeable, dans un concept de protection de l’environnement.
« Notre travail se situe davantage dans la recherche et le développement de produits » mentionne André Benoît. « Il y a ici, tout ce qu’il faut pour mener à bien des expériences de transformation qui ajoute une valeur au produit de base, d’où l’apport d’AGRINOVA, un centre de recherche de niveau collégial associé au collège d’Alma. »
Depuis la mise en place de l’usine, pas moins de 60 projets ont été développés et une trentaine d’autres sont en cours de réalisation. De plus, une cinquantaine d’organisations et de compagnies ont commandé des études.
Selon André Benoît, ce développement est très novateur et surtout très prometteur. Mais il y a encore de grands défis à relever. Le partenariat vient de la MRC Domaine-du-Roy et la communauté de Mashteuiatsh qui en sont les initiateurs, et il est supporté par l’ensemble de la région qui a donné son appui. Un potentiel énorme pour l’industrie!