La petite Germaine n’avait que 13 ans quand elle a dû embarquer dans l’autobus qui lui faisait quitter sa communauté natale, Manawan. Elle et ses 12 frères et sœurs auront suivi le même parcours, mais celui de Germaine demeure parsemé de souvenirs douloureux pour lesquels elle dit être en voie de guérison. Elle croyait que ses parents l’avaient abandonnée. Elle a quitté la petite maison de Manawan avec une boîte d’œufs contenant tout ce qui était sa vie, à l’époque.

Arrivée à Mashteuiatsh quel-ques années après la fondation du Pensionnat indien de Pointe-Bleue, comme il était appelé à l’époque, Kukum Germaine Dubé a appris le français, au détriment de sa langue maternelle. Au pensionnat, il n’était pas permis de parler l’Atikamekw. Elle y passa plusieurs années loin de sa famille pour la durée de ses études primaires et secondaires avant de retourner dans son patelin. Aujourd’hui, elle connaît et pratique encore sa langue maternelle puisque son retour dans sa communauté lui a permis de reprendre contact avec ses origines réelles, et elle en est particulièrement fière.

C’est lors de ce retour à Manawan que sa vie a changé. Un jeune travailleur de la Hudson’s Bay Company du nom de Lawrence Courtois, un Ilnu de Mashteuiatsh, est devenu son amoureux. Après quelques mois de fréquentation, elle a accepté de le suivre dans la communauté des Pekuakamiulnuatsh, là où le pensionnat de son enfance l’avait si fortement marqué. « J’ai mis du temps à m’y faire. Je suis monté sur la côte et j’ai marché autour de l’édifice du pensionnat en pleurant, puis j’en ai fait mon deuil » raconte Kukum Germaine. L’amour avait gagné. Lawrence et Germaine ont fondé leur famille sur les rives du Pekuakami où ils demeurent encore.

Lors de son arrivée à Mashteuiatsh, le pensionnat était dans ses dernières années d’opération. Kukum Germaine voyait arriver d’autres jeunes atikamekw comme elle, s’établir au pensionnat. Elles venaient de Manawan, mais aussi d’Opitciwan et de Wemotaci, les deux autres communautés de la nation Atikamekw. Elle a choisi de prendre, chez elle, quelques-unes de ces jeunes filles puisqu’elles comprenaient très bien leur déchirement, leur ennui. Elle en a fait une véritable mission.

Un peu plus tard, Kukum Germaine s’est impliquée auprès des enfants en travaillant à la garderie Auetissatsh, puis auprès des femmes en partageant avec elles, les valeurs atikamekw de son enfance et ses connaissances sur la guérison.

Kukum Germaine Dubé est maintenant arrière-grand-mère et poursuit sa vie paisiblement avec son Lawrence, conservant auprès d’elle, que les bons souvenirs de son arrivée à Mashteuiatsh, elle qui a fait la paix avec son passé. Elle mentionne toutefois que la guérison est un long, très long processus et qu’encore aujourd’hui, les blessures du passé demeurent bien présentes. Elle y travaille tous les jours.