Les chefs des trois Premières Nations innues de Nutashkuan, Essipit et Mashteuiatsh se sont dit encouragés par la rencontre qu’ils ont eue, le 19 février dernier, avec la ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada, Mme Carolyn Bennett, à qui ils ont fait part de leur volonté claire d’obtenir un rapport sur l’état de la situation après la fin des négociations.

On se souviendra que, malgré la volonté des communautés du Regroupement Petapan d’en venir à un projet de traité avant la fin de l’année 2015, le Fédéral a été plutôt absent du dossier durant le règne conservateur alors qu’au Québec, la volonté des élus québécois semblait davantage évidente. Voilà qu’à l’automne 2015, les Libéraux prennent le pouvoir à Ottawa et montrent une ouverture comme il n’y en a jamais eue.

Rencontré à ce sujet le 7 mars dernier, le chef de Mashteuiatsh, M. Gilbert Dominique, a accepté de revenir sur cette rencontre avec la ministre Bennett. « Nous avons expliqué à madame la ministre notre approche concernant les négociations, en rappelant que nous avions des principes qui nous guident. On lui a mentionné clairement qu’on sera toujours intransigeant sur la question de la reconnaissance qui comprend la reconnaissance des droits y compris le titre sur l’ensemble de notre territoire. »

Le chef Dominique poursuit en mentionnant que madame la ministre s’est montrée très réceptive face à notre façon de voir la conclusion de cette négociation. Et pour l’heure, « il est important que les négociateurs nous produisent, après cette date du 31 mars, leur rapport sur l’état de la situation et que les trois parties fassent le point et conviennent des prochaines étapes. »

Madame la Ministre Bennett avait d’ailleurs signifié aux chefs innus qu’elle partageait également cette volonté, de même que les principes de cohabitation et de partenariat qui soutiennent la démarche, laquelle cadre bien avec les principes de réconciliation et de relation de nation à nation prônés par le gouvernement fédéral. « À titre de ministre des Affaires autochtones et du Nord, mon objectif premier consiste, avec mes collègues, à renouveler la relation entre le Canada et les peuples autochtones. Nos travaux doivent permettre de nouer une relation de nation à nation fondée sur la reconnaissance, les droits, le respect, la coopération et la collaboration. Le gouvernement du Canada est plus que jamais engagé à faire progresser la réconciliation et à travailler en partenariat avec les Premières Nations afin d'améliorer leur avenir socio-économique », avait mentionné la ministre Bennett, lors de cette rencontre.

La suite des choses

Pour la suite des choses, avec comme point de départ la fin du mandat confié aux négociateurs, un rapport sera élaboré sur l’état de la négociation « avec des notes en bas de page » a mentionné Gilbert Dominique, de sorte que nous puissions avoir un document de travail qui nous permettra d’avancer. Cela signifie, toujours selon M. Dominique, qu’une nouvelle rencontre au niveau politique aura lieu quelque part au mois de mai, afin que les différentes parties puissent voir et analyser ce rapport des négociateurs. « C’est cette rencontre qui nous permettra de savoir comment nous allons convenir de notre méthode commune de travail, de notre façon de faire. Madame la ministre s’est dit ouverte à participer à cette rencontre. »

« Il faut donc s’attendre que, quelque part en 2016, il y aura ratification d’un projet de traité par le négociateur. C’est le point de départ pour partir ensuite en consultation auprès de nos populations. Cette consultation sera suivie d’un référendum » a renchéri le chef Dominique. Pour la production d’un rapport et pour la consultation, le chef Dominique fait mention d’une démarche qui devrait durer entre 18 à 24 mois. « Il faut ajouter à ce délai, un autre 24 mois pour les modalités de mise en application du traité ». On parle donc d’un autre cinq (5) années de travail.

Le chef Dominique ajoute que le lien avec le territoire est fondamental pour notre nation, tout comme la reconnaissance de nos droits. Il n’est pas question d’échanger quoi que ce soit contre nos droits, mais bien de les affirmer. » Le chef Dominique mentionne également qu’il peut comprendre l’impatience des gens de la communauté puisque ce fut une très longue négociation. « Le contexte est, plus que jamais, favorable. Il faut profiter de cette ouverture du Fédéral.

Rappelons que ces négociations en vue de conclure une entente finale entre les Innus du Regroupement Petapan et les gouvernements du Canada et du Québec se poursuivent dans la foulée de l’Entente de principe d’ordre général signée par les parties en mars 2004.

Les 4 principes de la négociation selon Petapan

Voici les quatre principes qui guidaient les négociations selon l’équipe de Regroupement Petapan :

1- La reconnaissance des droits

Il est fondamental que le traité à venir soit basé sur la reconnaissance de nos droits ancestraux, y compris le titre aborigène, plutôt que sur leur extinction. Autant sur la scène nationale qu’internationale, la jurisprudence et la compréhension de ce concept des droits ancestraux ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies.

Qui pourrait aujourd’hui demander à une Première Nation comme la nôtre d’éteindre ses droits en échange d’un traité ? Nous ne pouvons donc que nous réjouir du résultat obtenu suite au travail des équipes de négociation et du comité des juristes externes sur ce point. Les parties en sont arrivées à une solution qui rencontre les intérêts de tous, à savoir qu’en plus de la reconnaissance de nos droits, la Couronne atteint également le degré de certitude juridique qu’elle recherche.

2- Le maintien du lien avec l'ensemble du Nitassinan

Le second principe important est le maintien du lien avec l’ensemble du Nitassinan, notre territoire ancestral. Ce lien constitue l’un des éléments fondamentaux sur lesquels repose notre culture distincte. Nous avons constamment fait valoir auprès des instances gouvernementales l’importance de conserver ce lien. Nous avons toujours utilisé ce territoire et nous l’utilisons encore aujourd’hui. Nous y sommes chez-nous. Renoncer à la reconnaissance et à la perpétuation de ce lien, tout comme à la poursuite de nos activités sur le Nitassinan, n’a jamais été une voie de négociation acceptable pour nous. Il faut concilier cette réalité avec la présence des Québécois sur ce même territoire. La solution prévue dans l'Entente de principe d’ordre générale (EPOG), qui consiste à moduler les effets et modalités d'exercice des droits selon les affectations territoriales et à harmoniser nos règlementations respectives est, à notre avis, structurante et porteuse d’avenir.

3- La cohabitation harmonieuse et pacifique

La cohabitation harmonieuse et pacifique constitue également un autre principe important de ces négociations. Depuis plusieurs générations, les relations qui se sont développées au sein de nos populations ont très souvent été marquées de liens d’amitié réels et sincères. Au-delà des grands enjeux politiques, il y a les gens et leur vie quotidienne. Notre volonté d’en arriver à la signature d’un traité vise à ce que nos populations puissent encore davantage grandir et prospérer ensemble. Ce traité devra permettre que ces liens qui se sont développés deviennent encore plus solides; que nous bâtissions ensemble une nouvelle forme de relation fondée sur la confiance mutuelle, confiance qui a été mise à rude épreuve depuis la signature de l’EPOG.

Contrairement à ce que plusieurs personnes peuvent croire, les Innus ne souhaitent pas et n’ont jamais souhaité vivre au crochet de la société et encore moins de s’enrichir à ses dépens. Nous croyons en une juste distribution des richesses collectives et au respect des peuples. Nous souhaitons cohabiter de façon harmonieuse et pacifique avec nos voisins.

4- Le partenariat

Le partenariat constitue sans doute le principe le plus résolument orienté vers l’avenir. Les Québécois, comme les Innus, doivent prendre conscience de l’immense potentiel qui réside dans l’établissement d’un véritable partenariat entre nos nations. L’exploitation des ressources issues de nos territoires ancestraux s’est longtemps faite sans que nous ayons notre mot à dire. Il n’a jamais été facile pour nous d'accepter cette situation, comme il n'est pas non plus facile de concilier le développement économique de notre nation avec la sauvegarde et la protection de notre culture. Il s’agit là d’un défi bien contemporain. Nous ne souhaitons pas vivre en vase clos. Comme n’importe quelle nation, nous avons besoin de nous développer.

Pour ce faire, nous avons aussi besoin que nos voisins et amis nous comprennent et acceptent ce projet de règlement qui nous permettra d’avoir en main les outils nécessaires à notre développement. Une multitude de problèmes d’ordre socio-économique affligent nos communautés. Nous avons la volonté de les surmonter, de reconstruire, de nous redonner un avenir prometteur, mais nous le ferons difficilement sans une entente avec nos voisins. C’est pourquoi nous privilégions la voie de la négociation plutôt que celle des tribunaux. Nous y gagnons tous.