Dans le contexte actuel de la pandémie causée par la Covid-19, le journal Pekuakamiulnuatsh s’est intéressé à en savoir davantage sur les bases mêmes de ce fléau. Pour ce faire, nous avons contacté la Dre Johanne Philippe, médecin résidente du centre de santé de Mashteuiatsh, et nous lui avons posé quelques questions.

Dre Philippe, qu’est-ce que la Covid-19 et comment s’attaque-t-elle aux humains en général ?

« C’est une maladie infectieuse causée par un virus de la famille des coronavirus qui sont fréquents, habituellement bénins et associés aux rhumes. Toutefois, ce virus est plus dangereux puisqu’il peut être mortel dans certains cas. Il s’attaque à l’humain d’abord et surtout par les voies respiratoires mais aussi dans les vaisseaux sanguins. Les symptômes peuvent prendre jusqu’à 14 jours avant d’apparaître. L’infection respiratoire peut être de légère à grave et les symptômes sont la fièvre, la toux et la difficulté de respirer. Ce virus peut causer une tempête inflammatoire dans les poumons mais aussi une atteinte inflammatoire au niveau des vaisseaux sanguins causant ainsi des caillots qui peuvent gêner la circulation et l’échange d’oxygène dans les organes tels que le cerveau, le cœur ou les reins. »

Quelles en sont les manifestations cliniques ?

« A part la toux, la fièvre et les difficultés respiratoires, on peut retrouver de la diarrhée, des vomissements, des douleurs musculaires, des maux de tête, une perte d’odorat et de goût. Dans 80% des cas, la maladie est légère mais elle est sévère dans 15% et critique dans 5%. Chez les personnes âgées, dans la moitié des cas, la maladie peut ne pas présenter de symptômes tout en restant possiblement contagieuse. Pour ceux et celles qui présentent des symptômes, ils peuvent avoir une faiblesse ou de la léthargie, une perte d’appétit, de la confusion, des chutes inhabituelles, des variations dans l’état fébrile et la pression. Par la suite, cela peut conduire vers une détresse respiratoire qui peut être grave et même fatale. Ceux ou celles qui présentent des symptômes ne doivent pas hésiter à téléphoner au 1-418-644-4545. »

Quelles sont les personnes les plus à risque de développer les complications du Covid-19 ?

« Dans nos communautés, il y a plusieurs personnes vulnérables de tous âges. D’abord par leur condition socio-économique telle que la pauvreté, le surpeuplement dans un même logement, la difficulté de communiquer ou de s’alimenter et la perte d’autonomie. Sont aussi à risque les personnes qui ont des maladies chroniques telles que pulmonaires, cardiovasculaires, de l’insuffisance rénale, du diabète, de l’hypertension artérielle, de l’obésité, de la maladie mentale et des troubles cognitifs. L’âge est aussi un facteur puisque le taux de mortalité serait de 5-6% après la soixantaine, au-delà de 15% après 70 ans et encore plus après 80 ans. Sont aussi vulnérables ceux et celles dont le système immunitaire est affaibli par un cancer avec des traitements de chimiothérapie, les personnes atteintes de maladies rhumatismales et les personnes ayant de la dialyse. La peur de consulter lors d’une décompensation d’une maladie chronique peut aussi engendrer des dommages collatéraux qui ne sont pas reliés à la Covid-19 mais à la maladie sous-jacente qui n’est pas traitée à temps. »

Que dire au sujet des nos aînés que nous voulons protéger ?

« J’ai eu la chance de vivre et d’avoir été élevée par mes grands-parents. Au-delà de la culture, de notre histoire et des traditions, il y a l’âme, l’esprit et le cœur de nos aînés. Nos aînés, c’est le bout de l’âge comme disait Brel mais c’est toute la vie. Ils ont l’expérience, la sagesse, le savoir et la résilience. C’est eux qui ont appris des souffrances pour avoir le courage de se relever afin que nous soyons là à notre tour. Nous sommes ici à cause d’eux. Ils ont fait des sacrifices et ont survécu. Nous devons leur rendre honneur, respect et dignité. Ils ont vécu bien des guerres à leur façon. Des guerres extérieures et des guerres intérieures. La Covid, cette maladie encore mystérieuse causée par un guerrier invisible, crée des barrages dans les ruisseaux du corps et le prive de ses nutriments. N’est-il pas ironique que ce virus s’attaque le plus aux aînés qui ont toujours voulu protéger l’environnement et respecter la nature ? »

Que nous apprend le contexte de cette pandémie ?

« En ce temps de confinement, nous n’avons d’autres choix que de réfléchir sur notre sort en tant que personne, en tant que communauté et en tant que race humaine. A travers ses passages d’ombre, la pandémie laisse s’infiltrer la lumière et l’espoir. Les valeurs de nos ancêtres et de nos aînés renaissent plus fortes : le courage, l’entraide, le respect des autres et de la nature, l’humour, la persévérance, la résilience, la générosité, le pardon, l’amour des siens et la richesse du cœur. Nos aînés, il faut les laisser nous conter et raconter avant qu’ils oublient. Avant qu’on oublie. Il faut prendre le temps. »