P. GILL : Bonjour Samian. D’abord merci de te confier aux lecteurs du magazine Premières Nations. Au cours des derniers temps, tu es passé de rappeur à photographe, peux-tu nous expliquer ton cheminement et les raisons qui ont motivé ton choix ?

SAMIAN : La photographie, c’est de la poésie en soi. C’est une passion que j’ai depuis longtemps et quand j’ai décidé de partir à travers le monde pour faire de la photographie, c’était pour moi une façon de m’exprimer par un autre moyen que l’écriture. C’est tout aussi basé sur l’être humain, c’est extrêmement engagé socialement. Je pense qu’une image vaut mille mots et les mots ont une image aussi donc, je pense que chacune des photographies qui se retrouvent en exposition, c’est un poème en soi. C’est une façon logique de lier poésie et photographie.

P. GILL : Donc il y a un lien très précis à faire entre les deux ?

SAMIAN : Bien sûr. Je trouve que c’est très complémentaire et je pense que l’un accompagne bien l’autre ou l’un complète bien l’autre en fait. D’ailleurs, dans l’exposition Les enfants de la terre et dans le livre qui est paru, ce que j’aime en particulier c’est l’absence de textes ou très peu de texte. Je pense que de laisser la place à l’image permet à chacun une interprétation totalement différente.

P. GILL : Dans ta carrière de rappeur et de photographe, tu t’es publiquement porté à la défense de ton peuple, et tout particulièrement des jeunes. Es-tu toujours aussi ouvert à défendre les tiens qu’auparavant à travers ce nouveau médium ?

SAMIAN : Oui, bien sûr, ça ne change en rien mes objectifs. Il y a toujours l’humain derrière tout ça et je pense que c’est quelque chose qui ne changera pas. Autant ma musique est engagée, autant elle est humaine à travers la photo. Dans l’exposition, on retrouve quand même sept pays différents; sept peuples aussi différents les uns que les autres, donc ce n’est pas tant lié aux Premières Nations à chaque fois. Cependant, pour moi, il y a des Premières Nations partout à travers le monde et pas seulement au Québec ou au Canada.

P. GILL : Cette année, tu es parrain de la fondation Nouveaux sentiers. Peux-tu nous parler un peu de ton implication et nous dire pourquoi tu as choisi cette fondation en particulier ?

SAMIAN : En fait, on m’a approché voilà quelques années. Écoute, je suis vraiment tombé en amour avec l’idée portée par la Fondation Nouveaux Sentiers, avec les jeunes surtout. Tu sais, une fondation ça peut être beau, ça peut être grand sur papier mais quand tu vas voir ces jeunes-là réellement, sur le terrain, que ce soit dans un camp d’été, dans des ateliers ou dans les sorties organisées par la Fondation, c’est vraiment génial. Je me suis rendu dans un camp par surprise avec 49 jeunes qui étaient là, et je n’ai jamais reçu une vague d’amour aussi intense que ça de leur part. Je pense que je me suis beaucoup attaché à ce que ça pouvait apporter à ces enfants-là et je me reconnaissais beaucoup en tant qu’enfant ayant grandi à Pikogan. C’était pour moi une belle opportunité d’offrir mon temps à travers la musique, à travers la photo. Je trouve ça bien que l’art puisse parfois servir à changer quelque chose où à apporter quelque chose.

P. GILL : Et l’exposition comporte combien de photographies en tout ?

SAMIAN : 36 photographies qui ont aussi été publiées dans un livre.

P. GILL Le livre était rattaché spécifiquement à l’exposition ?

SAMIAN : Oui c’était ça le but. Parce que l’exposition va prendre plusieurs formes. Il va y en avoir une exposition permanente qu’on aimerait installer mais celle présentée à Wendake présentement est itinérante donc elle appartient à la Fondation de la Place des Arts et ce sont des tableaux que les gens ne peuvent pas acheter.

P. GILL : Est-ce que cette exposition-là ira ailleurs par la suite ?

SAMIAN : Oui. Elle est à Wendake jusqu’au mois de mai et ensuite, elle s’en va au musée des Abénakis à Odanak de juin à septembre. Par la suite, elle part pour l’Abitibi dans deux villes différentes pour l’automne et début 2018. Ça va faire deux ans déjà qu’elle est sur la route. Ce n’est pas tout; on a des offres d’un peu partout à travers le monde parce que ce qui est le fun dans la photographie, c’est que t’as plus de barrières de langue non plus, ce n’est pas comme faire de la poésie en français où on est limité à la francophonie à travers le monde. Je pense que la photographie peut voyager au-delà des frontières; au-delà des barrières de langue et c’est ça qui est génial.

P. GILL : Samian, est-ce que tu as d’autres projets de voyage dans les prochaines semaines, dans les prochains mois ?

SAMIAN : Oui. Je retourne en Alberta prochainement pour des conférences. Ensuite, je m’en vais en Corée du Sud pour un festival de cinéma et je prends une semaine aussi pour faire de la photo. Je retourne également en Europe à la fin du printemps parce que moi et mon fils, on fait un voyage ensemble par année, pour nos anniversaires. Donc oui, j’ai des supers beaux projets de voyage. Également, j’ai mon projet photographique en Amérique du Sud, avec l’Équateur, la Bolivie et le Chili qui s’en viennent en 2017 et 2018. C’est un projet qui s’appelle les Anges des Andes et j’ai ciblé quatre pays de la Cordilière des Andes. On y verra des portraits des gens qui vivent là-bas; c’est un projet d’exposition et de livre.

P. GILL : Pis on va y voir surtout des visages comme dans Les enfants de la terre ?

SAMIAN : Oui bien sûr, évidemment. Mais une fois sur place, il est certain qu’il y a quand même des paysages qui sont assez importants; surtout dans les Andes. C’est difficile de ne pas photographier des paysages aussi imposants, magnifiques, mais c’est l’expérience est surtout basée sur du portrait des gens de là-bas, d’abord et avant tout.

P. GILL : Samian, est-ce que tu chantes toujours, est-ce que tu es demandé parfois pour faire des spectacles ?

SAMIAN : Oh oui, beaucoup. Pour l’instant, je refuse tout parce que je suis lié à un contrat jusqu’au 1er octobre 2017. À partir de cette date, je serai agent libre; alors j’imagine que je vais monter sur scène. À ce sujet, on travaille sur un disque en ce moment pis on sort une chanson à tous les mois. Je n’arrête pas d’écrire, je n’arrête pas de composer de la musique, de travailler sur l’album mais pour la scène, c’est sûr que j’ai mis ça de côté depuis un petit bout déjà, ça me fait du bien. Ma carrière d’acteur prend aussi de la place. Je pense qu’avec le film qu’on a tourné cet automne, et les demandes qui me sont soumises pour jouer dans différentes séries, font que je dois accorder de la place à l’acteur que je suis aussi.

P. GILL : Et le film que tu as fait cet automne, est-il sorti ?

SAMIAN : Il sort cet été. Ça s’appelle Hochelaga, Terre des hommes, réalisé par François Girard.

P. GILL : Une dernière question, dis-moi, où te vois-tu dans dix ans?

SAMIAN : Ici et maintenant ! Si dans 10 ans, je peux être ici et maintenant, ça va être déjà très très très bien. Je pense que la plus belle chose qu’on peut se permettre dans la vie c’est ici et maintenant.

P. GILL : Samian, merci beaucoup !

SAMIAN : Merci à toi, Pierre.