Virginie Tanguay, prolifique auteure et aquarelliste de Roberval et mannequin/modèle pour les collections de fourrures. (Photo : Karianne Gilbert)

Le défi est de taille pour les commerçants de fourrures et pour les entreprises qui gravitent autour de cette industrie vieille de plusieurs siècles. Il y a une lumière au bout du tunnel; une relance de ce prestigieux produit refait surface après plusieurs années en difficulté. C’est du moins le souhait manifesté par des organismes comme Forêt modèle du Lac-Saint-Jean, le Cégep de Saint-Félicien et la Fondation de l’héritage culturel autochtone de Mashteuiatsh. Ensemble, ces organisations positionnées directement et physiquement sur la traditionnelle route des fourrures au lac Saint-Jean, ont organisé un grand événement, l’automne dernier, mettant au premier plan la fourrure et tout son potentiel à travers la mode.

Cet événement servait de prétexte à l’activité bénéfice de la Fondation de l’héritage culturel autochtone qui se veut l’organisation à la base du financement des expositions et autres activités du Musée amérindien de Mashteuiatsh. Le défi : regrouper tous les acteurs du milieu de la fourrure en un seul et même événement, agrémenté d’un souper gastronomique tout aussi original où la grande nature serait la source d’inspiration. Résultat, près de 200 convives complètement subjugués et l’assurance d’avoir devant soi, un potentiel immense en matière de développement économique, arrimé aux bases historiques de ce secteur d’activité.

La fourrure dans l’histoire du pays

Selon l’éminent historien de la cuisine traditionnelle, M. Michel Lambert, la traite des fourrures au Saguenay – Lac-Saint-Jean remonte au milieu du XVIe siècle, avant même l’arrivée de Jacques Cartier au Canada. Les chasseurs de baleine basques sont entrés en contact avec les Innus de la Haute-Côte-Nord et de Tadoussac où ont eu lieu les premiers échanges. Diverses denrées comme le lard salé, des grains de blé, des pois secs, des oignons et autres, étaient alors échangées contre de la fourrure avec des Innus-Montagnais. « Les premiers échanges se sont fait à Tadoussac. Les Basques espagnols retournaient majoritairement en Europe après leur chasse mais quelques-uns demeuraient dans des camps pendant l’hiver, pour continuer de faire fondre le gras de baleine. »

« Jacques Cartier débarquait à Tadoussac en 1535 et pénétrait même dans le Royaume du Saguenay, guidé par deux Iroquoiens de Stadacone. En 1600, le roi de France décidait d’officialiser les échanges de fourrures en construisant la première maison, appelée la maison Chauvin, à Tadoussac, destinée à loger les commerçants français. C’est ainsi que débuta officiellement le commerce des fourrures », raconte M. Lambert.

L’histoire du commerce de la fourrure s’est poursuivie ainsi au fil des décennies, et fit l’objet de diverses batailles de propriété entre les Anglais et les Français, avant que ne soient mis en place les différents postes de traite qui se sont établis le long de la route des fourrures. Tadoussac, Chicoutimi, Métabetchouan et Ashuapmushuan furent autant de lieux qui ont accueilli des postes de traite majeurs où le commerce des fourrures régnait en maître. Les Premières Nations qui occupaient alors cet immense territoire étaient les Kakouchaks, peuple nomade de la grande famille des Algonquiens de l’Est du Canada. Dès les premiers contacts, ils étaient les plus grands connaisseurs du territoire et de son potentiel. Lors de l’arrivée du père Jean de Quen, explorateur missionnaire jésuite et quelques français sur les rives du Pekuakami le 16 juillet 1647, les Kakouchaks pratiquaient depuis déjà fort longtemps, des activités traditionnelles comme la chasse, la trappe, la pêche et la cueillette.

Un repas gastronomique d’inspiration autochtone

Lors de la soirée qui avait lieu au Cégep de Saint-Félicien le 15 octobre, M. Michel Lambert avait pris soin de préparer un menu d’inspiration autochtone aux côtés de M. Carl Murray, cuisinier et restaurateur de renom. « Agu Makushan » qui signifie Vous êtes invités au festin!, était le thème choisi pour cette soirée. Les connaissances de M. Lambert ont donc été très utiles pour préparer ce menu métissé qui était inspiré par l’époque de la traite des fourrures et issu de la rencontre des fondateurs du Québec d’aujourd’hui : les nations autochtones du Nitassinan, les Français et les Britanniques. Au menu, un pâté de wapiti et médaillon de cerf sur légumes d’automnes, précédé d’une entrée de truite fumée, de gibier séché et de pemmican aux bleuets, de même qu’une soupe de poisson blanc aux légumes et herbes de notre forêt, inspirée par madame Carmen Gill Casavant, fondatrice et ex-directrice du Musée amérindien de Mashteuiatsh. Le repas était complété par un dumping écossais où se cachaient des framboises et des bleuets.

Dans cet amalgame d’organisations, de collaborateurs et d’objectifs, plusieurs entreprises liées à la fourrure moderne ont collaboré à l’événement en y apportant leur savoir et en y présentant leurs créations.

René Robertson Fourrures

Depuis six générations, le nom de Robertson est associé au commerce des fourrures sous toutes ses formes. Initialement, ses activités se limitaient au commerce des fourrures brutes avec les trappeurs cris, ilnus, atikamekw et algonquins. Puis, en 1960, M. René Robertson fonde l’entreprise qui porte son nom. En 1971, il ouvre un kiosque d’artisanat spécialisé dans la fourrure, tout en développant la conception des bottes, mitaines, chapeaux et manteaux de fourrures. En 1980, René Robertson Fourrures agrandit son marché en se portant acquéreur de Fourrures Micheline et Leclerc Faucher de Montréal, avant que son fils Édouard poursuive l’œuvre familiale en prenant les rênes de l’entreprise en 1996. Alliant tradition et modernité, la compagnie établie à Mashteuiatsh, directement sur la traditionnelle route des fourrures, confirme son rôle de premier plan dans la confection et le remodelage de manteaux, tout comme la création de produits personnalisés.

Créations Atikuss

Propriétaire d’une galerie d’art et d’une boutique d’artisanat innu à Uashat, près de Sept-Îles, Josée Leblanc consacre sa vie à promouvoir la culture autochtone. En 2015, sa passion pour la confection de vêtements traditionnels l’amène à lancer le projet Bottes de l’espoir, qui vise le développement d’un commerce équitable dans l’industrie de la chaussure autochtone. Depuis son atelier de Uashat mak Mani-Utenam, elle signe le design de mukluks et de mocassins originaux, et confie leur confection à des femmes issues des Premières Nations. Ces artisanes peuvent ainsi reconquérir leur dignité et vivre de leur art ancestral en recevant une juste rétribution pour leur travail. Les créations Atikuss deviennent une vitrine internationale du projet et un formidable vecteur de la culture autochtone canadienne.

Nunavik Creations

Issue de la Corporation Makivik fondée sur les droits ancestraux à la suite de la signature de la Convention de la baie James et du Nord québécois, Ninavik Creations a été créée dans le but d’offrir des débouchés économiques à la vaste région du Nunavik, qui commence au nord du 55e parallèle. Des femmes inuites travaillent au sein de la compagnie comme couturières, dessinatrices de mode, confectionneuses d’échantillons et patronnistes.

Nunavik Creations se fait ainsi le porte flambeau de la culture inuite partout dans le monde. Ses créations reflètent fidèlement la culture, l’artisanat et les traditions inuits. Parmi les produits-vedettes de l’entreprise, on retrouve un vêtement typique : le parka amautis. Cet anorak muni d’une poche permet aux femmes inuites de garder leurs petits au chaud, dans leur dos.

Bilodeau Canada

Griffe aujourd’hui reconnue internationalement, Bilodeau Canada allie créations contemporaines et tradition. L’entreprise, qui fonde ses opérations sur des valeurs de développement local et durable, ainsi que sur le respect des ressources fauniques, intègre la totalité de ses opérations de traitement et de confection d’accessoires de fourrure et de plein air dans ses installations situées à Normandin, également sur la traditionnelle route des fourrures. Fondée en 1997 par Mario Bilodeau et Marcel Laplante, Bilodeau Canada utilise un grand éventail de fourrures naturelles issues d’un réseau de plus de 400 chasseurs/trappeurs. On y retrouve le loup marin, le castor, le coyote, le lynx, le renard, le raton laveur, etc.

Inspiré par l’immense savoir des Premières Nations, Bilodeau Canada utilise la presque totalité de la matière première. L’entreprise achète les peaux d’un animal sauvage à l’état brut, l’apprête pour ensuite la naturaliser ou la transformer en divers produits finis qui prennent la forme de bottes, mitaines, chapeaux et de multiples accessoires aussi variés que modernes.

Le défilé de mode du 15 octobre 2016

La Fondation de l’héritage culturel autochtone doit compter sur des activités bénéfices annuelles afin de jouer le rôle que lui a attribué la Société d’histoire et d’archéologie de Mashteuiatsh, et qui répond à ses besoins financiers de plus en plus importants. Pour 2016, la Fondation n’a pas raté sa sortie en organisant ce Défilé mode-fourrures qui regroupait toutes ces entreprises impliquées d’emblée dans le commerce des fourrures. Chose certaine, les personnes qui ont pu assister à l’activité qui se tenait au Cégep de Saint-Félicien en ont eu pour leur argent. Tous les fonds amassés permettent de soutenir les activités de la Société d’histoire et d’archéologie de Mashteuiatsh, afin de favoriser un plus grand rayonnement de ses activités, tant au niveau local que régional. L’argent servira notamment à supporter le projet de développement d’un circuit touristique et culturel qui mettra en valeur les postes de traite du Domaine-du-Roy, tel que présenté lors de la soirée du 15 octobre.